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Le Making-of de Genève 1850-3D



Scanning du Relief de Genève en 1850


Donner au Relief de Genève en 1850 une immortalité numérique

Imaginé et construit entre 1878 et 1896 sous la direction de l’architecte Auguste Magnin, le Relief de Genève en 1850 est davantage qu’une grande maquette spectaculaire: c’est à la fois un chef-d’oeuvre d’orfèvrerie et une représentation de la ville encore fortifiée à un moment-clé de son histoire. En 2010, il a donc été décidé de créer un modèle 3D numérique de la maquette, afin de pouvoir la reproduire en cas de destruction accidentelle. De plus, on imaginait pouvoir utiliser le modèle 3D dans les musées, et, peut-être aussi, pour faciliter le travail des géomètres – notamment pour identifier les zones de la ville actuelle, où des excavations risquent de se heurter à d’anciens murs d’enceinte. Mais il fallait bien sûr que la maquette se révèle assez précise...
Étant donné que le Relief de Genève en 1850 est abrité dans les combles de la Maison Tavel (la plus ancienne maison privée de Genève, qui est aujourd’hui un musée), les ingénieurs ont commencé par s’assurer que le plancher ne bougeait pas. Pendant une semaine, ils ont surveillé les éventuels mouvements du bâtiment avec un théodolite de haute précision. Et comme les lieux se sont avérés très stables, ils ont pu entamer leur travail, tout en continuant de surveiller d’éventuelles vibrations du bâtiment.

Le résultat du scanning: un nuage de millions de points

Pour éviter d’endommager le Relief, les ingénieurs ont installé un portique au-dessus de la ville miniature, d’où ils ont pu piloter un scanner et un appareil photographique. Ils ont aussi placé délicatement 1268 petites cibles un peu partout sur la maquette, pour disposer de points de repères. Le scanner a finalement fourni un nuage de 120 millions de points référencés dans l’espace – c’est comme si on avait fabriqué un moulage du Relief à l’aide d’un filet aux mailles minuscules, avec une précision d’un dixième de millimètre. Pour sa part, l’appareil photographique a délivré 1280 images en très haute résolution, toutes parfaitement identifiées quant à l’orientation de la prise de vue – de quoi restituer l’ensemble du Relief.

Ajustement d'un bâtiment 3D sur le nuage de points

Des mois de travail ont ensuite été nécessaires pour extraire du nuage de points et des photographies un modèle 3D précis du Relief de Genève en 1850. En s’aidant de programmes spécialement développés, les ingénieurs ont défini toutes les arrêtes et les angles des trois rangs de fortifications, et des 2'000 bâtiments avec leurs 40’000 fenêtres et leurs 8’000 lucarnes – sans parler des cheminées, des escaliers, des fontaines, des arbres et des innombrables détails que comporte la ville miniature. Finalement, l’ensemble du Relief a été reproduit sous la forme d’un modèle 3D numérique, très fidèle à l’œuvre de son créateur.

Modélisation 3D du Collège de Genève sur la base d'un dessin d'architecture d'Auguste Magnin


Le Relief de Genève en 1850 est un chef d’oeuvre de précision géométrique

Après de nombreux essais menés avec des modèles en carton, Auguste Magnin a découvert que la meilleure méthode pour construire son Relief de Genève en 1850 était d’utiliser 3 échelles de réduction différentes: 1/250ème pour le plan, 1/200ème pour les hauteurs des bâtiments et 1/100ème pour les déclivités du terrain. Ce choix, dicté par des critères esthétiques et pédagogiques, a évidemment fortement déformé les bâtiments et la topographie, surtout pour les quartiers construits dans la pente. En raison de ces déformations géométriques, et parce qu’il a été jusqu’ici difficile de prendre des mesures précises sur une maquette aussi vaste et fragile, le Relief d’Auguste Magnin n’a jamais été considéré comme un instrument de travail pour l’urbanisme. Et pourtant!

La modélisation du Collège est achevée

Les ingénieurs ont découvert qu’ils avaient affaire à une maquette exceptionnelle en travaillant sur une portion du Relief qui comporte des bâtiments et une église toujours existants – le quartier de la Madeleine. Ils ont d’abord ramené les trois échelles à leurs justes proportions, puis agrandi le quartier avant de le placer dans le cadastre officiel de la Genève actuelle (le Système d’information du territoire à Genève-SITG comporte un cadastre en 3 dimensions). Et là – très bonne surprise – ils ont constaté que les écarts entre la maquette agrandie et la réalité ne sont que de l’ordre du mètre cinquante. C’est vraiment très peu lorsqu’on procède à un tel agrandissement!
Auguste Magnin n’a donc pas seulement réalisé un chef-d’oeuvre esthétique, mais aussi un chef-d’oeuvre de précision, compte tenu des instruments de son époque. Si les ingénieurs ignorent toujours comment l’architecte a pu réussir ce tour de force, ils ont vite compris qu’ils pouvaient utiliser la maquette pour produire un modèle 3D complet de la Genève de 1850, calé sur le système de coordonnées nationales suisses. Et même mieux: recréer une cité fortifiée virtuelle, afin de permettre au public de la visiter sur le web.

Le Collège de Genève dessiné autour de 1850

Pour les aider dans leur travail, ils pouvaient compter non seulement sur les données du scanner et les photographies, mais aussi sur les dizaines de milliers d’images d’archives du Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève (CIG): anciennes photos prises dans les rues de Genève dès 1848, plans et dessins des bâtiments remarquables réalisés par Auguste Magnin lui-même, gravures et tableaux d’époque – sans oublier les plans topographiques et les cadastres du XIXe siècle. Tout le matériel potentiellement utile a été scanné avec soin par le CIG et microfilmé pour les générations futures.

Agrandir et caler le Relief de Genève en 1850 sur le cadastre officiel

Aucun outil informatique n’existait pour prendre en compte les trois échelles du Relief, les ramener à leur juste proportion, agrandir tous les éléments de la maquette, et, finalement, caler le tout dans les coordonnées de la cartographie nationale suisse. Il a donc fallu écrire la plupart des programmes nécessaires. Les ingénieurs se sont particulièrement confrontés à la différence d’échelle existant entre les pentes du terrain et la hauteur des bâtiments.

Contrôle de l'ajustement des blocs de bâtiments

En effet, dans les rues très raides de sa maquette, Auguste Magnin a découpé les alignées de bâtiments en plusieurs tranches pour les décaler: les bâtiments contigus ont des toits en escalier, alors que, dans la réalité, la ligne des toits est continue. Les ingénieurs ont donc dû travailler façade par façade, pour éviter que leur modèle de la ville présente des fenêtres en diagonale, ou des portes à moitié enfouies dans le sol.

Contrôle après la mise en vraie grandeur des trois échelles de réduction de la maquette

Il a aussi fallu régler les défauts d’ajustement existants entre les 118 blocs qui composent le Relief. Car Auguste Magnin a fabriqué sa maquette de 30 m2 en plusieurs parties, qui ont été ensuite assemblées. Son but était, premièrement, de faciliter le travail minutieux des artisans qui façonnaient les bâtiments, et, secondement, de pouvoir déplacer l’ensemble – 680 kilos. Étant donné que le Relief a été démonté et remonté plusieurs fois depuis son achèvement en 1896, les frontières des blocs ont souffert, et leur juxtaposition n’est aujourd’hui pas idéale.

Chaque bloc de la ville miniature a donc été traité séparément, rue par rue, bâtiment par bâtiment. Si une grande partie des opérations a pu être automatisée, de nombreux détails et raccords ont dû être réglés à la main. D’ailleurs, les ingénieurs n’y seraient pas parvenus sans l’aide des historiens spécialisés dans les monuments de la ville – ni sans l’aide de leurs collègues du... 19e siècle. En effet, ils ont eu recours au très détaillé «Plan Céard» de 1840, soit 30 planches à l’échelle 1/240 dessinées par le géomètre François Janin. Ils ont aussi consulté l’Album des monuments de Genève en 1850, dessiné par Auguste Magnin lui-même, qui comporte toute une série de plans et de magnifiques dessins d’architecture.

Un quartier de Genève 1850 sous forme de maquette blanche

Au total, seize mois ont été nécessaires pour modéliser les 118 blocs du Relief, les contrôler, les faire valider par la Direction de la mensuration officielle, puis les transférer dans le cadastre de Genève. Au final, on dispose d’un modèle complet de Genève 1850 en 3D, tiré de la maquette d’Auguste Magnin, et parfaitement intégré dans le modèle numérique du territoire et le cadastre officiel. Il est ainsi possible de voir quels bâtiments ou quelles portions de fortifications ont disparu, lesquels ont été transformés, et lesquels sont toujours en place. On peut aussi prédire si des murs épais se trouvent toujours dans le sous-sol, à la suite du comblement des fossés de défense débuté dès 1850.

Essai de rendu des textures sur un groupe de bâtiments


Donner de la vie au modèle de Genève 1850

Le modèle 3D de Genève 1850 est une ville «blanche» et lisse, sans textures ni couleurs, comme si elle avait été coulée dans le plâtre. Pour l’habiller et lui donner une ambiance conforme à son époque, des spécialistes de plusieurs disciplines ont collaboré: géomètres, géomaticiens, historiens et designers 3D.

Les spécialistes ont d’abord recherché et photographié sous tous les angles des éléments de construction qui ont été très peu modifiés depuis 1850, afin de constituer une base documentaire pour la création des matériaux: pavés, tuiles, crépis, pierres de taille, bois des portes et des fenêtres, etc. Au total, une palette d’une cinquantaine de matériaux a été recréée numériquement. Chacun de ces matériaux a ensuite été décliné en trois variantes de vétusté: propre, un peu sale et très sale. De plus, une légère variation aléatoire a été appliquée, afin d’éviter que la ville virtuelle ait un aspect trop uniforme. Bien sûr, des algorithmes informatiques développés spécialement ont facilité le travail répétitif. Mais les bâtiments serrés et imbriqués de l’ancienne Genève offrent de nombreux cas particuliers: par souci du détail, les spécialistes ont effectué une bonne partie du travail «à la main», avec – toujours sous les yeux – les précieuses images d’archives du Centre d’iconographie.

Les variétés d’arbres et la végétation qui poussait dans la ville et ses fortifications ont été choisis avec l’aide des botanistes des Conservatoire et jardin botaniques de la Ville de Genève – toujours en s’appuyant sur les documents d’époque.

Photo de la Porte de Neuve en 1850


Paysage virtuel de 1850 recréé autour de Genève


Entourer Genève 1850 de son paysage d’époque

Lorsque le modèle 3D de Genève 1850 commença à prendre des couleurs, les spécialistes ont vite été convaincus que la ville fortifiée gagnerait beaucoup à être entourée des paysages de son époque. Les montagnes n’étaient pas trop difficiles à reconstituer: la chaîne du Jura, le Mont-Salève et les Alpes n’ont guère changé depuis 1850. Par contre, une grande partie des campagnes peu peuplées qui entouraient autrefois Genève ont fait place à l’urbanisation… Et, là aussi, le problème a été surmonté grâce à un collègue du 19e siècle: Jean-Rodolphe Mayer. Entre 1828 et 1831, ce géomètre a cartographié l’ensemble du canton de Genève à l’échelle 1/15’000, en indiquant minutieusement sur ses plans non seulement les bâtiments, les chemins et les rivières, mais aussi la nature de ce qui occupait le sol: champs, forêts, vignes, gravières, prairies, jardins, etc. Les gravures et tableaux d’époque ont également servi de source d’information. Le travail a été grandement facilité par la grande richesse du Système d’information du territoire à Genève-SITG qui contient de nombreuses cartes historiques parfaitement calées sur la topographie moderne.

Pour produire leur décor, les spécialistes n’ont pas choisi la facilité: tous les éléments proches des fortifications de la ville existent en 3 dimensions. Ainsi, plusieurs centaines de milliers d’arbres et de buissons 3D ont été «plantés» avec les conseils des botanistes. Et les brins d’herbe 3D se comptent par milliards...

4 vues du parc des Bastions: gravure, photo ancienne, maquette d'Auguste Magnin et modèle 3D

4 vues du parc des Bastions: gravure ancienne, photo ancienne, maquette d'Auguste Magnin et modèle 3D



Préparer Genève 1850 pour une promenade sur le web

Tandis que le modèle 3D de Genève 1850 s’habillait de réalité virtuelle, une équipe d’informaticiens a développé les outils web nécessaires à visiter – sur internet – l’ancienne ville fortifiée. Dénommée PromenAdd, leur technologie originale utilise à la fois la 3D en temps réel (employée pour les jeux vidéo) et la 3D pré-calculée (employée pour le cinéma). Pour la visite, l’internaute n’a pas besoin de télécharger de logiciel particulier: un ordinateur ordinaire, avec une vitesse de connexion standard, suffit. Le déplacement dans la ville ressemble un peu à la navigation dans Google Street View. Cependant, dans Genève 1850, les pas sont beaucoup plus courts, les images sont mieux définies et on peut aussi se déplacer dans le ciel pour profiter d’une vue plongeante sur la ville et ses environs. Au total, l’internaute peut se promener le long de 1’333 chemins, et s’arrêter sur 963 croisements qui sont autant de points d’intérêt.

Les différentes vues de Genève 1850, présentées aux internautes lors de leur progression dans les rues et le ciel de la ville, sont au nombre de 200’000. Pour générer toutes ces images en haute-résolution à partir du modèle 3D, 16 puissants serveurs ont travaillé pendant six mois – une somme de travail qui représente l’équivalent de la production de deux longs métrages hollywoodiens en 3D. La lumière choisie pour éclairer la ville fortifiée et ses environs est celle du mois de juin, à 10h du matin.

Genève 1850 vue depuis le lac

Comme on peut l’imaginer, le modèle 3D de Genève 1850 diffère par rapport à la réalité historique, puisqu’il est basé en grande partie sur la maquette d’Auguste Magnin. C’est une sorte de ville idéale dépeuplée (pour l’instant), dont tous les bâtiments ont une allure plutôt standard, notamment au niveau des portes, des fenêtres et des cheminées. Pour mieux se rendre compte de la réalité de l’époque, il faut regarder les photographies du XIXe siècle, sur lesquelles on voit des maisons noircies par la fumée de charbon, des façades souvent décrépies arborant des publicités, des rues encombrées de marchandises et de linge à l’étendage, et des annexes en vieilles planches qui agrandissent les espaces de vie et detravail. Néanmoins, le modèle 3D de Genève 1850 offre une bonne idée de la ville fortifiée et de ses alentours. C’est aussi une base documentaire solide, capable d’évoluer vers davantage de réalité historique pour entrer de plein pied dans l’ère des Humanités numériques, ce nouveau domaine de recherche, d'ingénierie et d'enseignement qui combine les sciences humaines et les nouvelles technologies, afin de favoriser la diffusion du savoir.

Vue de Genève 1850 avec des icônes de navigation

Dans le monde virtuel de Genève 1850, on peut placer des images anciennes, des textes, des commentaires... toutes sortes d'information disponibles à l'endroit où il est logique de les y trouver.




Prochaine étape: un wiki 3D

Regroupés dans l'association gE-story, les principaux acteurs qui ont travaillé sur Genève 1850 ne souhaitent pas s’arrêter là. S’ils trouvent un financement, ils comptent bien adapter les outils web qui permettront à des utilisateurs référencés d’«accrocher» facilement dans le décor de la ville toutes sortes d’informations liées à l’histoire des lieux et au développement de l’urbanisme – à commencer par les milliers d’images qui attendent d’être valorisées dans les archives du Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève. Le site www.geneve1850.ch marquerait ainsi une étape dans l’histoire du web, démontrant qu’il est possible de réaliser une sorte de Wikipédia en 3D, où les informations se trouvent à leur place naturelle, où l’on peut naviguer librement dans des documents qui vous ramènent dans l’espace virtuel, et où la navigation est ouverte à tous les internautes – même sans télécharger de logiciel particulier.

Un petit pas a déjà été franchi dans ce sens: dans les rues et les fortifications de Genève 1850, on peut déjà accéder à une centaine de fiches explicatives (format pdf, en français seulement) pour obtenir des informations historiques sur les bâtiments et les ouvrages d’art les plus intéressants. Il faut savoir que la liste de ces monument remarquables a été établie par Auguste Magnin lui même.




Photo ancienne


Modèle 3d

Comparaison entre une photo ancienne
et le modèle de Genève 1850-3D